Contribution de Nicolas Granier* au débat suscité par la concertation du maire sur l’implantation d’une centrale solaire sur le massif du Saint Sépulcre
Je ne parlerai pas ici de l’opportunité de cette opération politique « d’accélération de la transition énergétique », de ce qu’elle peut représenter et impliquer à une échelle locale, ni de l’absolue nécessité de l’appréhender de manière posée dans une démarche de planification territoriale/ intercommunale, réfléchie et réellement concertée.
Je trouve toutefois important de rappeler que ce qui est mis en jeu à l’emporte-pièce dans cette histoire de projet de centrale solaire, c’est notre patrimoine naturel et culturel, notre bien commun à tous.
Le massif du Saint Sépulcre (en rive droite de la Durance ; versant Est); anticlinal de Mirabeau ©PNR Luberon
Le projet propose 3 à 5 ha de panneaux solaires sur le plateau sommital, et 10 ha disposés le long de la piste menant à ce sommet sur le versant ouest.
Malgré les funestes exemples de certaines communes qui coupent leurs forêts pour y implanter des panneaux solaires (comme par exemple à Cruis au pied de la montagne de Lure), il me semble que c’est un non-sens au 21èmesiècle, de seulement oser imaginer implanter une centrale photovoltaïque sur des habitats naturels.
La colline du Saint Sépulcre constitue par ailleurs un choix particulièrement délétère et inopportun, puisque c’est un massif reconnu pour sa biodiversité, qui se trouve être le nœud névralgique d’une zone jouissant de multiples statuts de gestion/protection : situé dans le Parc Naturel Régional du Luberon, il est au cœur d’une Zone de Protection Spéciale (ZPS, Natura 2000), d’une Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique, Faunistique et Floristique (ZNIEFF, INPN), d’une zone d’intérêt pour l’avifaune, d’un GéoSite… Il est de surcroit situé en zone naturelle et forestière (zone Nf1) dans le PLU de la commune, ainsi qu’en Espace Boisé Classé donc présentant un réel intérêt environnemental, théoriquement non constructible, ni aménageable.
Le plateau du Saint Sépulcre (là où se trouvent les antennes) est le point culminant des collines de Durance qui dominent la clue de Mirabeau. Situé à presque 600 m d’altitude il porte les traces d’anciennes occupations humaines (ancien oppidum). Cette zone sommitale, ouverte et dégagée, est constituée d’espèces végétales remarquables caractéristiques des pelouses subméditerranéennes si particulières que l’on rencontre entre Sainte Victoire et Luberon, et constitue une zone de chasse de prédilection pour de nombreux rapaces.
Le versant sud-est du massif – les falaises de Lescaran – forme le célèbre anticlinal de Mirabeau, qui au-delà de son fort intérêt géologique, constitue une zone rupestre de premier intérêt pour la biodiversité dans la sous-région. Il abrite une faune et une flore particulièrement riches et diversifiées, dont certaines espèces protégées en France, sont caractéristiques de ces milieux intermédiaires entre mer Méditerranée et montagnes Alpines.
Les singulières richesse et diversité de ce petit massif du Saint Sépulcre sont particulièrement marquées, décrites et documentées pour les oiseaux, les insectes et les chauves-souris (cf. INPN 2023), en lien avec son originalité botanique.
En effet, les garrigues clairsemées, les pelouses et les forêts de conifères / chênaies concentrent de très nombreuses espèces méditerranéennes typiques, dont certaines sont plutôt rares dans le Vaucluse car elles s’y trouvent en limite septentrionale et/ou occidentale de leur aire de répartition ; comme la doradille de Pétrarque, ou le pâturin mou. C’est probablement aussi le site vauclusien qui concentre la plus forte densité d’orchidées, avec une vingtaine d’espèces recensées – dont l’Ophrys de Provence.
Les incendies font partie intégrante de l’histoire des habitats subméditerranéens, qu’ils ont profondément contribué à façonner depuis leur origine, et sont enregistrés depuis le début du siècle passé sur le massif. Le dernier que nous ayons en mémoire en 2017, nous laisse aujourd’hui une belle forêt en régénération de déjà presque 7 ans d’âge.
Ophrys provincialis (Ophrys de Provence)
Dans ce contexte immémorial, il est totalement ridicule et déconnecté de toute logique écologique de prendre pour argument le fait que la forêt ait été incendiée récemment pour tenter de venir détruire durablement ce bien naturel inestimable.
La manœuvre financière sous-jacente, bien que non explicitée, peut être aisément imaginée : il s’agit de gaspiller profondément et durablement notre patrimoine naturel que nous empruntons à nos descendants, pour renflouer les caisses communales.
Je ne peux que dénoncer cette stratégie qui témoigne d’un profond manque d’ambition et de vision de l’intérêt commun, et rejeter cette grossière ébauche de projet, posée au milieu de la scène communale, qui de par sa nature confuse et inaboutie ne peut en aucun cas constituer une base à de réelles discussions. Cet odieux simulacre de débat autour d’une vague idée d’implantation dispersée et irrationalisée de panneaux solaires, souffre profondément du manque de clairvoyance et de lucidité concernant les réels enjeux de demain.
*Nicolas Granier est un expert de la protection de l’environnement. Il travaille en France et à l’étranger pour préserver la biodiversité et atténuer les impacts des grands projets d’aménagement (mines, infrastructures, éolien, solaires…).
Toute cette zone est très boisée et très sensible.
Est-ce qu’il est prévu que l’on installe des panneaux photovoltaïques sur les quelques champs qui se situent dans le voisinage de l’ancienne carrière du Capon si, par extraordinaire, on réussit à construire l’usine du sommet de la colline du Saint Sépulcre ?
Il faudrait disposer d’un schéma directeur photovoltaïque et d’un agenda local COP 21 pour comprendre où la commune veut aller et pourquoi.